Il y a une photo qui pour moi résume l’année du Canada sur la scène internationale, et ce n’est pas celle d’un CF-18 revenant d’une patrouille dans un pays voisin de l’Ukraine ou au Koweït. Bien qu’elle serait bien emblématique du ton belliqueux qui a régné!
Non, ma photo, c’est celle du premier ministre Stephen Harper seul à la proue du navire de défense Kingston dans le passage du Nord-Ouest. Un message de souveraineté au reste du monde et de maîtrise de la situation pour les Canadiens.
Cette année, qui devait être marquée par la fin de la mission canadienne en Afghanistan, a plutôt été celle de la multiplication des engagements aux côtés de la communauté internationale. Et parfois même au-devant.
- Ukraine : le Canada à l’avant-scène
Dans le cas de l’Ukraine, des manifestations populaires à Kiev jusqu’aux troubles encore bien présents dans l’est du pays, en passant par l’annexion de la Crimée, le gouvernement canadien, le premier ministre Harper en tête, a été à l’avant-scène.
Avant le sommet sur la sécurité nucléaire à La Haye, fin mars, qui allait mener les pays du G8 à exclure la Russie, à annuler le sommet de Sotchi et à redevenir un G7, M. Harper avait tenu à se rendre à Kiev. Il a été le premier à le faire.
Autour de la table, il est devenu celui qui avait le discours le plus autoritaire sur les exigences du gouvernement ukrainien, en opposition à Angela Merkel. La chancelière allemande tenait toujours à l’époque à maintenir un dialogue avec Moscou. Et puis, il faut dire que le premier ministre canadien, avec ses huit ans au pouvoir, est l’aîné du groupe.
Il refera plus tard le voyage à Kiev pour l’assermentation du président Petro Porochenko, qui sera aussi accueilli en grande pompe à Ottawa.
Stephen Harper a vraiment pris en grippe le président russe Vladimir Poutine et a dénoncé sa mentalité de guerre froide, son nationalisme extrême et même son impérialisme à chaque occasion.
Au sommet du G20 à Brisbane en Australie, il a serré la main tendue du Russe, mais, avec aplomb, il lui a dit qu’il fallait qu’il quitte l’Ukraine. « Nous ne sommes pas en Ukraine », aurait répondu Poutine. Il faut dire que toute la pression internationale n’est pas encore venue à bout des encouragements du président russe aux sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk.
-  L’accord avec l’Union européenne
Autres visiteurs de marque à Ottawa : le président français François Hollande, d’une part, et les dirigeants de l’Union européenne, de l’autre.
Tous ces officiels ont vanté l’accord de libre-échange dont on ne cesse de célébrer la conclusion, mais qui doit encore être ratifié par Ottawa et chacun des 28 pays membres de l’UE. Un traité qui n’est donc pas à la veille d’entrer en vigueur!
- En guerre contre le groupe armé État islamique
L’autre dossier dominant sur la scène internationale, c’est bien sûr celui de la participation du Canada à l’offensive d’une coalition militaire menée par les États-Unis contre le groupe armé État islamique en Irak et en Syrie.
Le Canada ne participe qu’aux patrouilles et aux frappes en Irak, et il a déployé des conseillers militaires dans le nord du pays, à l’invitation du gouvernement irakien, précise-t-on.
Ottawa n’exclut pas un jour de participer aussi à l’opération en Syrie. Toutefois, comme le disait récemment le ministre de la Justice Peter MacKay, même si les forces canadiennes s’attaquent à un ennemi qui ne respecte pas les frontières, entrer sur le territoire d’un gouvernement souverain pose des obstacles juridiques que ses avocats sont en train d’examiner.
Le nombre de sorties des six chasseurs CF-18, des deux appareils de surveillance Aurora et du ravitailleur Polaris sont en baisse depuis le déploiement des forces au Koweït à la fin d’octobre.
Les cibles stratégiques facilement identifiables ont été atteintes. Maintenant, il faut toucher des cibles d’opportunité (imprévisibles) comme des convois, des pièces d’artillerie ou des camps, et le danger de faire des victimes collatérales est d’autant plus grand.
Les porte-parole de la Défense nationale, tout comme les responsables américains, font valoir que les actions de la coalition ont des effets positifs, que les militants de Daesh (le groupe armé État islamique tel que le nomment les Français et maintenant les Américains) se sont retirés de certaines localités et qu’ils sont obligés de se cacher beaucoup plus qu’auparavant.
- Harper en Israël
Finalement, il ne faut pas oublier que l’année 2014 avait commencé par une visite historique du premier ministre Harper en Israël. Une visite importante pour celui qui a fait de l’appui indéfectible à Israël une pièce maîtresse de sa politique étrangère.
Le premier ministre s’est attiré les huées de deux députés arabes israéliens à la Knesset, quand il a affirmé dans son discours qu’un « relativisme moral » permet ces jours-ci « la mutation de la vieille maladie qu’est l’antisémitisme et l’émergence d’une nouvelle souche », celle-ci enrobée « d’un langage plus sophistiqué ».
« Les gens qui n’oseraient jamais dire qu’ils haïssent les Juifs et les blâment pour leurs propres échecs et les problèmes du monde déclarent plutôt leur haine d’Israël et blâment le seul État juif comme responsable des problèmes du Moyen-Orient. » – Stephen Harper
Ce nouveau visage de l’antisémitisme, selon Stephen Harper, culmine lorsque des gens « traitent ouvertement Israël d’État apartheid ». « Comment pouvons-nous appeler autrement cette critique qui condamne de manière sélective seulement l’État juif et nie son droit de se défendre tout en ignorant, ou en excusant, systématiquement la violence et l’oppression chez ses voisins? », a-t-il souligné.
C’est cette logique qui empêche le premier ministre de critiquer ouvertement l’État hébreu sur la scène internationale, même si dans son discours, il a bien dit à plusieurs reprises qu’il était possible de critiquer Israël : « Aucun État n’est à l’abri de questions légitimes ou de critiques. » Ou encore « aucune nation n’est parfaite ».
- Promesse d’aide aux réfugiés syriens
Pendant ce voyage, le premier ministre s’est également rendu en Jordanie, où il a pu visiter le grand camp de réfugiés syriens de Zaatari, où il y avait plus de 100 000 réfugiés à l’époque.
M. Harper a promis plus d’aide, notamment pour y renforcer la sécurité. En juillet 2013, le Canada s’est engagé à accueillir sur son sol 1300 réfugiés syriens d’ici la fin de 2014, soit 200 parrainés par le gouvernement et 1100 parrainés par des organismes détenteurs de permis de parrainage. Or, en date de la mi-novembre, 35 % de l’objectif était atteint.
-  Le projet de loi sur l’État juif
Revenons à Israël un moment, puisque les événements des dernières semaines de 2014, qui ont mené le premier ministre Nétanyahou à déclencher des élections anticipées, interpellent le Canada.
Rappelons qu’en Israël, la coalition gouvernementale se déchirait depuis plusieurs semaines, notamment sur son projet de loi controversé visant à renforcer le caractère juif de l’État — au détriment de son caractère démocratique, disent les critiques.
Quelle est la position du Canada dans ce débat qui se déroule chez son grand ami, dont le premier ministre se plaît à vanter justement le caractère démocratique?
Aucun ministre du gouvernement, pas plus que le bureau du premier ministre, ne veut se prononcer. Voici ce que répond officiellement le ministère des Affaires étrangères : « Le Canada prend note de la poursuite des discussions sur le projet de loi sur l’État juif, fidèles à la démocratie solide qu’est l’État d’Israël. Pour cette raison, il est encore trop tôt pour se prononcer sur les aspects spécifiques du projet. »
D’ici aux élections de la mi-mars, il ne semble pas que le Canada dira quoi que ce soit d’autre.